Saute mouton managérial

Chronique d'un manager désarmé
Chronique d'un manager désarmé - 01/Apr/2011

Au long de mon parcours managérial, il m'est arrivé une expérience peu commune : devenir le n+1 de mon n+1. Autant vous livrer ma conclusion d'emblée : c'est très proche de l'injonction paradoxale. Mon analyse de cette expérience emprunte justement à la psychanalyse qui nous enjoint à respecter à tous prix la différence entre les générations.

On n'imaginerait en effet jamais un enfant devenir le parent de son parent, soit son propre grand-parent !!! Un enfant qui d'un claquement de doigt et du même coup deviendrait à la fois responsable de famille et riche d'une très longue expérience ! C'est à peu près ce que j'ai ressenti en passant au dessus de mon chef dans la ligne hiérarchique.

Injonction paradoxale managériale

Cette personne, votre premier boss, vous a formé. Dans mon cas, elle y a mis du cœur et de l'énergie et m'a, il faut le dire, énormément appris. Nous avons collaboré trois années de suite, elle démarrait comme manager, moi dans le métier. La route fut escarpée, sinueuse mais, au bout du compte, positive, pour moi en particulier. J'en suis sortie avec une compréhension en profondeur du métier et dotée d'un regard aiguisé qui m'a beaucoup servi par la suite.

Lorsque j'ai été nommé "par dessus" elle, il y a d'abord eu une période de statu quo : je prenais la dimension de mon nouveau poste, elle poursuivait sa route avec une nouvelle collaboration.

Les années passent, les entretiens annuels sont instaurés dans l'entreprise et le moment tant redouté arrive : je dois évaluer mon "ex" manager ! J'ai beaucoup de respect pour ses qualités techniques mais suis un peu moins en accord avec son mode de management. Je tourne et retourne les phrases dans ma tête, impossible d'aborder les questions qui risquent de fâcher. Je me montre un fort mauvais manager avec elle.

Au fil du temps, les choses n'ont fait que se dégrader. Je me recroquevillais dans mon rôle de mauvais parent, elle ressortait presque toujours de mon bureau en larmes...

L'entreprise, une famille formidable

Je vous livre l'unique solution que j'ai trouvée : confier le management de mon ancien chef devenu collaborateur (j'espère que tout le monde suit) à mon homologue hiérarchique. Cela a fait de moi un grand parent indigne, de mon homologue un parent adoptif et de mon ancien chef un manager abandonné.

Happy end : aujourd'hui qu'il n'est plus question de relation managériale entre nous, nous entretenons d'excellents rapports... amicaux cette fois!!! dans lesquels, lorsque nous évoquons le travail, nous nous parlons de manager à manager... comme si, sorties de l'injonction paradoxale, nous pouvions enfin nous parler entre... adultes.